En France, sur les écrans de télévision, dans les journaux, le jeu de double a presque disparu. Il n’intéresse les médias que lors des rencontres de Coupe Davis ou quand un Français est en finale d’un tournoi du Grand Chelem.

Dans l’Equipe du lundi qui suivait le Masters 1000 de Bercy en 2012, il n’y avait pas les résultats de la finale du double! La semaine suivante, le 7 novembre sur Canal+ sport, c’est le début du  « Masters » avec les 8 meilleurs joueurs de simple et les 8 meilleures équipes de double de l’année. Le présentateur, Sébastien Heulot, « regrette de devoir faire attendre le téléspectateur » pour le match de simple Berdych-Tsonga à cause du double qui n’est pas terminé. Et il insiste : « comme nous n’avons RIEN à vous montrer puisqu’il n’y a qu’un double messieurs, nous allons parler football ». Vingt minutes plus tard, il reprend l’antenne et déclare fièrement : « le double est ENFIN terminé, place à Berdych contre Tsonga ».

A la télévision, pendant Roland Garros, il y a 2 ou 3 heures de diffusion de doubles pour 200 heures de simples ! 
En France, on nous dit que Kristina Mladenovic est une joueuse irrégulière qui n’est pas du niveau de Caroline Garcia ou d’Alizé Cornet. Pardon ! j’ai mal entendu ! Déjà 9 titres en grand chelem, ça ne compte pas ?

Ce désintérêt des médias français est l’une des raisons de la désaffection du joueur de club français pour le double.

A l’étranger et particulièrement dans les pays anglo-saxons, on sait bien que le jeu de double est souvent plus amusant et plus spectaculaire que le jeu en simple. On sait qu’on peut y jouer plus longtemps car on s’y fatigue et blesse moins.
En Australie, pour le championnat national senior par équipes de provinces, on ne joue que des doubles. C’est une semaine de fête du tennis appelée « Carnaval » qui précède les championnats internationaux seniors d’Australie. En Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Grande-Bretagne, il n’est pas rare de voir tous les courts du club occupés par des parties de double. En France certains préfèrent ne pas jouer quand on leur dit que le double est obligatoire à cause de l’affluence !

Patrice Dominguez avait conscience du problème et, quand il était Directeur Technique National de 2005 et 2009, il a oeuvré pour que la Fédération Française de Tennis édite un classement des joueurs en double. Mais cela a malheureusement disparu depuis. Il est vrai que les joueurs nés avant 1960 ont laissé progressivement la place à une génération qui ne connaissait pas le double. La FFT ne fait rien pour changer les choses. Il existe très peu de tournois qui proposent des doubles, et  encore moins des mixtes. La Fédération n’organise même plus de championnats de France de mixte, même chez les seniors qui apprécient cette épreuve. Et quand on consulte les palmarès des championnats de France individuels sur son site internet, pas de trace des doubles qui existent pourtant depuis un siècle !

Cette désaffection pour le jeu de double a des conséquences pour nos joueurs professionnels.

Depuis la fin des années 2010, Kristina Mladenovic et Pierre-Hugues Herbert obtiennent les meilleurs résultats français sur le plan international. Ils ont multiplié les victoires en double dans les tournois du grand chelem et ont permis à la France de gagner la Coupe Davis en 2017 et la FedCup en 2019. Ces performances ne sont pas reconnues à leur juste valeur et on entend souvent que Kristina Mladenovic déçoit et que Pierre Hugues Herbert ne réussit pas comme il devrait. Oui, en simple peut-être. Mais le tennis ce n’est pas que le simple !

En 2020, Mats Wilander disait à Georges Homsi de Tennis Magazine : « J’échangerais bien une de mes victoires en simple à Roland-Garros contre un succès en simple à Wimbledon. J’en échangerais même deux ! Mais je n’échangerais jamais le titre en double remporté à Wimbledon en 1986 contre un titre en simple ! Ce moment partagé avec mon meilleur ami Joakim Nyström reste très spécial dans ma mémoire. Comme les victoires en Coupe Davis. Ce sont des moments magiques, des souvenirs impérissables. »