« la balle est faute »

C’est par cette phrase, prononcée d’une voix péremptoire en redressant son buste vers l’avant, que Jacques Dorfmann imposait son autorité aux joueurs quand il sentait qu’il pouvait y avoir matière à contestation.
Il n’aimait pas se déplacer pour vérifier une marque mais savait faire respecter sa décision, à une époque où on pouvait révoquer l’arbitre de chaise d’un simple claquement de doigt.

Les carrières d’arbitre de tennis duraient alors plus longtemps que celles des joueurs. A la retraite d’Eugène de Kermadec, il était devenu le détenteur de la chaise de la finale du simple messieurs à Roland-Garros et sa notoriété dans le petit monde du tennis était grande. Tous les joueurs de tennis français nés entre 1915 et 1985 le connaissaient et la plupart d’entre eux, avaient pu échanger avec lui lors d’un tournoi.

Les joueurs étrangers qui ont joué entre 1960 et 1990 en France le connaissaient aussi. C’est souvent lui qui les avaient aiguillés dans le choix d’un club, d’un tournoi … qu’ils soient dans les meilleurs mondiaux ou simplement “équivalents seconde série” en quête de vacances tennistiques.

Dans les années 70 qui ont vu le développement du tennis, les deux personnalités – hors joueurs – les plus connues du tennis français étaient Philippe Chatrier et Jacques Dorfmann.

Jacques était un passionné de tennis, venu à l’arbitrage un peu par hasard, qui s’était consacré ensuite à cette tâche pour le grand bien du tennis français. S’il a souvent arbitré la finale du simple des Internationaux de France, pas une fois il n’avait refusé, 3 ou 4 semaines avant, de venir arbitrer bénévolement un match entre deux “seconde série” pour une rencontre par équipe à Villemomble.

Avec son humour parfois féroce et son étonnante mémoire, il était un compagnon recherché dont la tendance à un certain cabotinage nous faisait sourire sans que cela n’affecte le grand respect qu’on avait tous pour lui.

Jacques Dorfmann est mort le 13 juillet dernier.

Si on peut pardonner aux media généralistes de l’avoir oublié car ils ne s’intéressent au tennis que depuis peu, comment expliquer que le site internet de la Fédération Française de Tennis ne se soit pas fait l’écho de sa mort ? Quand va-t-elle lui rendre l’hommage que le tennis français lui doit ? C’est sans doute le manque de réaction de la FFT qui est la cause aussi de l’absence d’article commémoratif dans les journaux sportifs !

Quand j’apprends qu’à ses obsèques le tennis français, pour lequel il s’était dévoué pendant 30 ans, n’était pas officiellement représenté et qu’y manquaient des personnes qui n’avaient pas été informées de son décès,  cela me rend encore plus triste.

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6 commentaires pour « la balle est faute »

  1. Didier Ailloud dit :

    Bel hommage Bruno, et tu as parfaitement raison, l’attitude de la FFT est indigne, mais surtout incompréhensible!

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  2. CARTIER dit :

    Je suis très triste d’apprendre très en retard le décès de Jacques qui était un ami.
    Il m’a arbitré de nombreuses fois et j’appeciais beaucoup, hors du cours, son intelligence et son humour. C’etait en outre un admirable conteur qu’on aurait écouté des heures durant raconter les innombrables anecdotes sur le tennis qu’il nous distillait.
    Lamentable qu’il n’ait pas eu les honneurs de la fédération.

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  3. jean-michel hardouin dit :

    Merci, Bruno, d’avoir retracé le parcours de Jacques DORFMAN, car tous ceux qui l’ont forcément croisé lors de tournois ou d’interclubs dans les années 70, 80 et 90 mesurent encore l’influence qu’il a pu avoir à cette époque, tant sur l’organisation de la compétition en France que sur la défense d’un certain état d’esprit.
    Comme beaucoup, j’ai appris son décès tardivement, et je ne vois toujours pas venir les hommages qu’il mériterait, tant il a animé le tennis national au quotidien.
    Son humour et sa personnalité nous manquent.

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  4. JACQUES THAMIN dit :

    Bien joué Bruno pour ce bel hommage rendu à ce grand ami du tennis.
    Comme énormément de joueurs, j’ai eu le plaisir de le retrouver à de nombreuses occasions sur la chaise comme arbitre ou comme juge arbitre des tournois que j’ai joués mais également dans bien d’autres occasions selon différents de nos intérêts communs comme les assurances, le bridge ou les courses de chevaux.
    Présent à l’inauguration de mon club en Provence en 2014, il nous a régalé comme toujours de ces .nombreuses histoires.
    Triste de constater que les derniers responsables de la FFT n’ont rien fait pour lui rendre l’hommage qu’il mérite de la part de la famille du tennis.

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  5. Armistead Neely dit :

    Dear Bruno,
    After reading your article about Mr. Dorfmann I was motivated to mention a few words of admiration for such an extraordinary man. As you stated, in your article, Mr. Dorfmann was a stellar representative of the French Federation. He knew the French stage of competitive tennis inside-out and was most generous in sharing his knowledge.
    As aspiring professional tennis players many of us relied on Mr. Dorfmann for his guidance and support. It was a foregone conclusion that before committing to tennis competition in France you should check with Mr. Dorfmann first to see if all was correct. We, as players, heavily relied on him and he was courteous, gentlemanly and very available to the scores of players who sought his counsel.
    It is with great regret and surprise that I learned that Mr. Dorfmann was not appropriately recognized by the French Tennis Federation. There have been many great French ambassadors of tennis: Pierre Barthes, Pierre Darmon, Robert Abdesselam, Gail Benedetti, Thierry Pham and a host of others. I submit that Jacques Dorfmann was among the Frenchmen who served French tennis with similar distinction.
    I mourn his loss as a loss for French tennis players but also for all tennis players.
    Armistead Neely

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