C’est dans les compétitions par équipes des sports individuels qu’on trouve le meilleur esprit d’équipe

Mieux qu’une analyse, voici quelques témoignages :

Tennis : Tous les joueurs de tennis savent que la joie et l’émotion de la victoire sont décuplées dans les épreuves par équipes.
Andy Roddick était fou de joie de gagner la Coupe Davis en 2007 avec ses copains, Blake et les frères Bryan ; c’était une quête qu’il avait en tête après avoir assisté à la finale USA-Suisse de 1992 !

Jo-Wilfrid Tsonga : « J’adore les sports collectifs qui dégagent une énergie incroyable. Quand tu gagnes avec ton équipe de France, c’est tout le pays qui est derrière toi. Et les valeurs que tu véhicules sont des valeurs de groupe… de la patrie. C’est quelque chose de fort. Jouer pour son pays, c’est une autre pression que de jouer pour soi ».
Nicolas Mahut ne dit pas autre chose quand il parle de ses rencontres par équipes avec le Tennis Club de Paris en 2010.

Amélie Mauresmo à propos de la FedCup: « C’est peut-être parce qu’on est égoïste toute l’année qu’on apprécie autant les émotions en groupe. Les joies qu’on peut ressentir toute l’année lors de victoires en tournois ne sont pas comparables à ce que l’on ressent dans le partage ».

Cédric Pioline est revenu dans son autobiographie sur l’importance de la Coupe Davis dans sa carrière. En 2001, la France et l’Australie sont à égalité 1-1 après les deux premiers simples de la finale. Cédric Pioline et Fabrice Santoro s’apprêtent à entrer sur le court pour affronter la paire Hewitt-Rafter: « J’ai beau avoir accumulé de l’expérience en près de dix ans de carrière, je n’arrive pas à chasser ma tension et je rate tout ce que j’entreprends. Je perds deux fois mon service et nous offrons le premier set aux Australiens. Fabrice, lui, est dans son match et, malgré mes défaillances, ne panique pas. Puis je vais progressivement réussir à hisser mon niveau de jeu. Le tournant de la partie se situe au troisième set, alors que nous sommes à une manche partout : à 4-5, 15-40, nous devons écarter deux balles de set. Deux volées sur le premier point, puis un retour de Hewitt dans le filet sur le deuxième nous tirent de ce mauvais pas. Les Australiens ne nous reverrons plus et nous nous imposons en quatre manches. Nous n’avons pas encore remporté cette finale mais cette victoire en double, capitale, demeure un épisode extrêmement fort de ma carrière. Et je suis plus qu’heureux de l’avoir partagé avec Fabrice. L’Équipe a le mot juste en titrant : « Les complices de l’exploit ». Finalement, ce match nous a rapprochés, Fabrice et moi, à jamais. Qui l’eut cru ? Ce succès me comble encore plus que celui de Malmoe, même si je n’ai oeuvré qu’en double. Je sais, ça va étonner, mais, d’une certaine manière, mon paradis tennistique, c’est à Melbourne, ce dimanche 2 décembre 2001, que je l’ai touché. »

Roger Federer après sa finale du double gagnée aux Jeux Olympiques : « Au début, on avait un petit peu de mal, puis on a commencé à jouer le feu et pour finir on gagne cette médaille. La semaine fut géniale. On a vécu des moments qu’on ne vivra probablement plus. On était comme des gamins à faire des conneries avec le feu. C’était fantastique, phénoménal. Gagner en double, c’était le rêve ultime,et je place ça au-dessus d’une victoire en simple. Parce que les émotions étaient encore plus fortes que celles que j’aurais pu vivre en simple! »
A ce moment, Federer ne se doutait pas qu’il revivrait encore ce genre d’émotions en finale de la Coupe Davis 2014 contre la France.

En 2020, Mats Wilander disait à Georges Homsi de Tennis Magazine : « J’échangerais bien une de mes victoires en simple à Roland-Garros contre un succès en simple à Wimbledon. J’en échangerais même deux ! Mais je n’échangerais jamais le titre en double remporté à Wimbledon en 1986 contre un titre en simple ! Ce moment partagé avec mon meilleur ami Joakim Nyström reste très spécial dans ma mémoire. Comme les victoires en Coupe Davis. Ce sont des moments magiques, des souvenirs impérissables. »

Natation: Romain Barnier, en décembre 2004: « La passion des relais, c’est quelque chose que j’ai développé à Antibes. Frédéric Bousquet et Duboscq étaient comme ça aussi. Le relais, c’est du bonheur. C’est le coeur, l’envie de ne pas décevoir les autres. Si on se remet toujours d’une mésaventure individuelle, quand on trahit les copains, c’est plus dur. J’avais déjà fait une médaille individuelle à des championnats d’Europe, mais là, avec le relais, c’est incomparable. La joie est démultipliée. »

Peter Van Den Hoogenband en juillet 2009 :  » La natation est un sport individuel mais, durant toute l’année, tu as besoin de partenaires d’entraînement motivés et le relais peut motiver ceux qui n’ont pas de chance de médaille en individuel. Nos médailles aux JO ont créé aussi des liens qui existent toujours entre nous. »

Ski de fond : Vincent Vittoz à Vancouver 2010 : « Une victoire en relais comme à La Clusaz en 2004, c’est le sommet, un immense bonheur partagé. On ne court pas pour soi mais les potes et la France. »

Combiné nordique : Fabrice Guy, champion olympique individuel et 4ème par équipes en 1992, qui avait continué sa carrière pour obtenir enfin une médaille de bronze en équipes en 1998 avec ses copains: « L’équipe, c’est un don, un partage. ». Aux JO 2010 à Vancouver, les 4 Français se sont peint un petit drapeau bleu-blanc-rouge sur la joue pour « unir encore plus leurs destins », eux qui ferraillent ensemble depuis presque 10 ans déjà sur tous les tremplins du monde. Ils ont décidé de ne faire qu’un en pensant très fort à Jonathan Félisaz, le cinquième larron écarté après le dernier entraînement.
Et à la veille de gagner avec ses copains des juniors leur première médaille d’or aux championnats du monde de Val di Flemme en 2013, Jason Lamy-Chappuis disait : « En relais, on partage, c’est encore plus fort qu’en individuel. Les souvenirs de la médaille de bronze remportée aux championnats du monde juniors sont magnifiques, de grands moments de fraternité. »

Athlétisme: Pierre Quinon qui, après sa victoire avec son « club des plages » du championnat de rugby du littoral toulonnais, déclare : « Je suis plus heureux que lors de mon titre olympique. En 1984, à Los Angeles, j’étais seul à avoir gagné, seul avec ma médaille … »

Cyclisme: Laurent Fignon dit après avoir fêté une victoire : « Ces côtés festifs ressoudaient les liens entre nous (l’équipe Renault de Cyrille Guimard) et forgeaient nos solidarités. Nous vivions des choses ensemble, pas seulement sur le vélo. On se connaissait mieux. On réagissait mieux les uns pour les autres. Et quand il fallait faire un effort surhumain pour boucher un trou, on ne le faisait pas seulement pour son leader ou son coéquipier mais aussi pour un ami, un frère de route, un compagnon du métier. Les victoires avaient plus de signification collective. »

Le 26 septembre 2021, à Louvain, le titre de champion du monde de Julian Alaphilippe conclut la jolie prestation de l’équipe de France, modèle d’abnégation et de stratégie imaginée par Thomas Voekler. « La célébration de ce succès collectif est une succession d’émotions, de joie et de rires. Ceux qui  ont abandonné s’agglutinent au pied du podium avec le staff et les rescapés et chantent la Marseillaise avant d’aller s’attaquer aux bières » (Dominique Issartel, l’Equipe).

Gymnastique: l’équipe de France se qualifie le 10 janvier 2012 pour les JO de Londres malgré l’absence de Thomas Bouhail, leur leader blessé. Le capitaine, Yann Cucherat dit: « On a pensé à tous ceux qui étaient blessés. On se devait d’être à la hauteur pour eux. Ce stress-là a donné un élan au groupe. Je suis fier de mon équipe, je les aime fort! ça a été un truc émotionnel fort. C’est beau une Marseillaise pour une médaille individuelle, mais mon histoire de la gym, c’est ça, ces moments-là. C’est notre histoire à nous. »

Golf: Sergio Garcia, qui détient les meilleures statistiques de la compétition, déclarait avant la Ryder Cup qui s’est déroulée en France en septembre 2018 : « En Ryder Cup tu apprends à connaître tes coéquipiers à un niveau bien plus profond que sur le Tour. J’ai eu la chance de m’y faire de très bons amis. Avant c’était des potes, maintenant ils sont bien plus que ça – Luke Donald, Lee Westwood, Justin Rose, Rory McIlroy. – même si on était déjà proches avant- … Tout le monde s’ouvre tellement qu’on se connait de manière intime, ce qui crée un lien indéfectible. C’est vraiment spécial »

Ski-cross : même dans les sports qui ne décernent pas de titre par équipes, on retrouve cet esprit. Jean-Frédéric Chapuis déclarait après avoir gagné l’or à Sotchi en 2014 devant ses compatriotes Arnaud Bovolenta et Jonathan Midol : « les Jeux, c’est mon meilleur souvenir sur les skis. Pas parce que je suis champion olympique, mais parce qu’on fait 1-2-3 dans un sport individuel, et qu’on avait ce jour-là l’impression d’être une équipe. »

Biathlon : l’émotion est à son comble chez Martin Fourcade à Antholz (Italie) en 2020 après la victoire du relais masculin aux championnats du monde. Il se rapproche du micro de la chaîne l’Equipe et entend que cela faisait 19 ans que la France attendait cette médaille d’or dans un grand championnat : « Je ne sais pas pourquoi, j’en suis venu à me demander où j’étais quand ils ont gagné en 2001. J’avais 12 ans, sur le canapé de mes parents, je regardais Stade 2 distraitement. J’ai vu sur l’écran Raphaël Poirée, dernier relayeur français, parcourir cette ligne droite de Pokljuka (Slovénie) que je ne connaissais pas encore, que j’ai parcourue tant de fois depuis. J’ai pris conscience du fait que ce fait majeur de ma vie, le biathlon, le sport de haut niveau, s’était ouvert à cette époque-là.

J’ai mesuré le temps écoulé, de l’enfant que j’étais à l’homme que je suis devenu. Ça m’a pris à la gorge. Plus de son, plus d’image. L’émotion était trop forte. J’ai réalisé que je venais de remporter ce titre par équipe que j’espérais tant. Que je venais de gagner avec mes potes la dernière médaille qui me manquait, pas pour garnir un palmarès, mais pour la consécration humaine qu’elle représente.

C’est la première fois que je comprenais que j’allais tourner la page dans à peine plus d’un mois. J’avais certes cette possibilité dans un coin de ma tête depuis longtemps déjà, mais cela ne constituait qu’une hypothèse. A ce moment-là, j’ai senti que c’était désormais une certitude. Qu’après les finales d’Oslo, je raccrocherai mes skis et ma carabine. Que j’étais au bout de ma première vie, au bout de ce voyage. Evidemment je n’ai rien dit de tout cela quand j’ai pu reprendre place face aux caméras. »

En escrime, ce sont les mêmes sentiments qui prédominent  à chaque JO ou championnats du monde.

En ski alpin, la  » bande à Bonnet  » a dominé les championnats du monde à Portillo au Chili en 1966 grâce à un formidable esprit d’équipe.

Ces sports sont des sports individuels. Et on ne pourra pas empêcher qu’un joueur décline une sélection dans une compétition par équipes. Ne l’obligeons pas à simuler une blessure ! Il vaut mieux choisir un joueur motivé, de préférence à un joueur supposé plus fort qui accepterait la sélection à contrecoeur.
C’est au capitaine de créer au sein de l’équipe le climat qui permettra de décrocher cette victoire même sans avoir les meilleurs dans son équipe. En Coupe Davis, Yannick Noah a su le faire en 91. Guy Forget aussi en 2001.

Dans les sports d’équipe, une équipe gagne lorsqu’elle joue en équipe et perd quand certains de ces joueurs oublient les valeurs collectives. C’est particulièrement évident dans le football du 21ème siècle où l’argent a miné les valeurs sportives car les joueurs professionnels peuvent préférer le gain au jeu et même parfois à la victoire.
C’est lamentable de voir un joueur de football ne pas faire la dernière passe à un joueur mieux placé que lui pour marquer le but… et pourtant on le voit toutes les semaines!  C’est quand même plus choquant de la jouer  » perso  » dans un sport d’équipe que dans un sport individuel !
Mais attention ! la victoire est plus belle à plusieurs mais elle ne résout pas tous les problèmes. Karabatic, leader de l’équipe de France de handball qui a tout gagné entre 2008 et 2012, avoue:  » On est amis parce qu’on gagne, pas le contraire ! »

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