Senior et professionnel

Pour un sportif, être senior et professionnel peut sembler paradoxal. C’est pourtant le cas d’environ 500 joueurs et joueuses de tennis dans le monde.

Le Circuit Senior de l’ITF (Fédération Internationale de Tennis) existe depuis le début des années quatre-vingt et s’est beaucoup développé depuis 2010. Son modèle est le circuit ATP (règlement, tableaux, classements). La différence est qu’il prend en compte l’âge des joueurs par tranches de 5 ans. La plupart des tournois se déroulent sur terre battue

En tennis il faut avoir 35 ans pour être déclaré senior. Rares avant 50 ans, les «seniors professionnels» sont plus nombreux entre 60 et 75 ans parce qu’ils sont à un âge où ils n’ont plus besoin de gagner leur vie. Ce sont des hommes pour la grande majorité.

Les motivations

La première est le jeu. Yannick Noah a dit : « Fabrice Santoro fut le dernier professionnel à jouer vraiment ». Sur le circuit senior, le jeu prédomine toujours.

La plupart des 25000 joueurs et joueuses qui fréquentent le circuit ITF senior ont  des objectifs sportifs. Plus de la moitié jouent pour progresser au classement mondial (simple, double, mixte) et veulent donc franchir le maximum de tours dans des tournois qui sont répartis en 6 catégories suivant le nombre de points qu’ils rapportent. Les championnats du monde rassemblent environ 1500 joueurs chaque année.

Une partie profite de ce circuit pour voyager et découvrir de beaux endroits tout en pratiquant leur passe-temps favori. Pour 20% environ, c’est même la principale motivation.

Une minorité, les meilleurs, souvent anciens joueurs de Coupe Davis, FedCup ou tournois du grand chelem, ont une vraie vie de joueur professionnel. Programmation des compétitions, gestion du budget (billets d’avion, invitations, sponsoring, prize-money), entraînement physique, nutrition, suivi médical … tout est optimisé.

Ils (ou elles) sont principalement motivés par la conquête de titres comme ceux de champion du monde accordés chaque année par l’ITF dans 11 catégories d’âge pour chaque sexe, par équipes nationales ou individuellement : en simple, double et mixte.

Bien que certains tournois accordent des prix en espèces ou des remboursements de frais aux lauréats, l’argent distribué n’est pas assez important pour être une motivation. Un titre de champion du monde, par exemple, ne rapporte que 800 $ au vainqueur du simple.

Les meilleurs parviennent à parcourir le monde sans affecter leur patrimoine. Ils le méritent bien car ils se préparent d’une manière parfois plus professionnelle que certains joueurs du top 100 ATP ! Ils ne doivent rien négliger quand on sait que le format de jeu des seniors est le même que sur le circuit pro : 2 sets gagnants, tableaux de 128, même temps de repos entre les points ou les sets etc.

Le niveau de jeu

D’anciens habitués des parties finales de tournois du grand chelem jouent le circuit ITF senior. Ils sont souvent les meilleurs, mais pas toujours. Ils se font battre parfois par d’anciens bons joueurs qui n’ont pas choisi de faire une carrière pro et qui, la retraite arrivée, prouvent qu’ils en auraient sans doute eu le niveau.

Plus rarement ils peuvent perdre aussi contre d’anciens champions d’autres sports qui n’ont commencé leur carrière tennistique qu’à l’âge mûr et qui ont rattrapé le temps perdu. Certains le supportent mal. D’autres s’en accommodent, comme les Anglais Mark Cox et Roger Taylor (anciens top 10 ATP) qui n’ont jamais réussi à être classés dans les 3 meilleurs de leur catégorie d’âge en senior mais qui jouent régulièrement sur le circuit international senior et y prennent un grand plaisir.

Dès les premiers championnats du monde seniors (créés en 1981), on a vu participer des vainqueurs de tournois du grand chelem en simple messieurs. Sven Davidson (vainqueur du simple à Roland-Garros en 1957) fut le premier champion du monde des plus de 45 ans. Depuis, la présence de ces grands champions a diminué mais outre Davidson, Frank Sedgman, Istvan Gulyas, Jose-Luis Clerc, Victor Pecci, Harold Solomon, Michael Pernfors et Anders Jarryd ont été champions du monde senior.

Le niveau de jeu est évidemment lié à l’âge et, si les meilleurs quadragénaires mâles pourraient passer des tours dans des « ITF futures », voire des « ATP challengers », les meilleurs des sexagénaires valent un milieu de deuxième série, quelque chose comme 2/6 au classement de la fédération française de tennis.

Les rares spectateurs de ce circuit reconnaissent qu’il offre parfois un meilleur spectacle que les circuits pros. Cela s’explique. Les «anciens» avaient l’habitude de jouer avec des petits tamis de 400 grammes cordés en boyau et utilisaient donc la volée et les coups en toucher beaucoup plus souvent que les champions actuels qui frappent très fort avec leur raquette de 300 grammes au tamis agrandi et leurs cordages qui « pardonnent ». Le jeu complet des meilleurs super-seniors leur permet de varier les coups et les tactiques. 

Un paradoxe

Il existe chez les seniors de très bons joueurs qui, pourtant, sont mal classés ! C’est le plus souvent parce qu’ils ne peuvent enchaîner les matches à cause d’une condition physique insuffisante. Leurs corps ne supportent pas la succession de matchs rapprochés. C’est parfois dû à une surcharge pondérale ou à une articulation en mauvais état ! Ces joueurs se spécialisent donc dans les compétitions par équipes de club, sponsorisées par de généreux donateurs dans certains pays européens. On y retrouve d’anciens Top 10 ATP qui ne veulent plus faire les mêmes sacrifices que dans leur première vie pour retrouver une meilleure condition physique.

                             BAC                              logo Wolfsberg Pforzheim

Une citation pour conclure : 

« Le tennis est une bulle dans laquelle tu peux penser être le meilleur. Puis tu en sors et, là, tu t’aperçois que tout le monde se fiche de ce que tu as réalisé en tant que joueur ».              Andrea Petkovic,  joueuse professionnelle allemande classée 9ème mondiale en 2011).

BR – 6 octobre 2018

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